Auteur(s) : TRISTANI Jean-Louis
Signifiance du monde propose une « harmonisation intégrale » entre la linguistique saussuro-guillaumienne des langues naturelles et la pensée phénoménologique heideggérienne de la vérité de l’être en tant qu’alètheia, dans son sens grec de « ce qui sort de la latence » et que Jean-Louis Tristani nomme illatence. En d’autres termes, cet essai donne accès à une compréhension des « relations grammaticales évidentes qui articulent l’être, dans sa vérité, et la pensée, telles qu’elles sont a priori données dans le système linguistique de n’importe quelle langue naturelle ». Cette mise au jour de la co-originarité de la langue et de la pensée corrobore la formule du linguiste français Antoine Meillet, maintes fois citée par Gustave Guillaume, selon laquelle, en ce lieu intelligible de la langue « tout se tient et a un plan d’une pleine rigueur ». Une rigueur qui intègre le système morpho-lexical d’une langue, en tant qu’intégrale des conditions d’effection du discours, avec les conditions existentiales de possibilité du Dasein en tant qu’être-au-monde. D’où Signifiance du monde, ce titre qui annonce la composante linguistique de notre présence au monde.
Licencié en théologie et agrégé de philosophie, Jean-Louis Tristani (1935-2012) enseigna à la Sorbonne au Département de Sociologie sous l’égide de Raymond Aron. Il participa au mouvement « Socialisme ou barbarie ». La découverte de la phénoménologie allemande, de la mythologie comparée de Georges Dumezil, puis de la linguistique de Gustave Guillaume le conduisit à s’interroger sur les fondations grecques de l’anthropologie et à s’avancer sur la voie d’une grammaire et d’une anthropologie générales. Enfin, il se voua à une recherche inédite sur la langue balinaise en collaboration avec l’Université de Denpasar.
Auteur(s) : HAMMAD Manar
Collection : Sémantique des Institutions Arabes
Le domaine politique dispute au domaine religieux la prééminence dans l’univers sémantique arabe. Si la question du croire domine l’un, celle du pouvoir domine l’autre… La résille de claustra choisie pour la couverture de ce recueil constitue une métaphore visuelle du travail entrepris ici. Les fragments ne s’y ajustent les uns aux autres qu’en raison d’un tracé régulateur qui les soutend, et s’étend à l’infini dans les deux dimensions du plan. Or l’univers sémantique de la langue est multidimensionnel, et sa résille demeure inconnue.
Manar Hammad
Le livre s’ouvre sur une analyse du terme « croire » et de la classe sémantique dont il relève. C’est dans le Coran, noyau théologique et juridique des institutions durant plus d’un millénaire, que l’auteur trouve le corpus linguistique à partir duquel il mène son enquête. Grâce aux instruments de la linguistique, et notamment les acquis de Greimas et de Courtès, il explore avec finesse et pertinence l’isotope « croire », dont il isole les invariants dans les institutions, tout au long de l’histoire de la civilisation islamique. Il ne s’agit pas d’une étude d’ethno-linguistique, ni de linguistique comparée, mais bien plutôt d’une archéo-linguistique à visée pour ainsi dire phénoménologique.
Roshdi Rashed
Ce livre est avant tout un éblouissant panorama sur la civilisation arabe et son histoire, du VIe au XVIe siècle, vue par un sémioticien dont le regard acéré et la puissance de synthèse s’allient avec la méticulosité du philologue et l’érudition de l’historien. Et c’est en même temps la réflexion d’un esprit directement partie prenante, par la langue et toute sa culture, à l’univers de pensée qu’il décrit à la fois de l’intérieur et avec le recul que lui apporte (ou lui impose) le recours à cette langue autre — ce « méta-langage » — qu’est pour lui le français. On retrouve là un peu la même posture que celle de son maître, Greimas, reconstruisant, lui aussi dans une langue d’adoption, les arcanes de sa propre culture et de sa langue maternelle à travers une étude non moins approfondie des mythologies lithuaniennes. La lumière que l’un et l’autre de ces sémioticiens en terre d’exil projettent sur le passé de leur terre d’origine nous aide à découvrir ou à mieux comprendre leurs sociétés respectives, l’une et l’autre si proches et pourtant, en général, si mal connues et, aujourd’hui, bien souvent, si scandaleusement diffamées…
Cette exploration, l’auteur la conduit d’une manière qui, méthodologiquement, tranche par rapport aux procédures habituelles. Si l’analyse conceptuelle qu’il entreprend à partir des lexèmes et de leurs dérivations évoque à l’évidence la démarche de Benveniste, d’ailleurs constamment cité (celui du Vocabulaire des institutions indo-européennes, ouvrage dont la dimension comparative est reprise ici à travers la confrontation entre deux langues principales, arabe et français, et plusieurs autres à titre accessoire), elle s’inspire non moins directement de la méthode greimassienne d’analyse sémique. Vient s’y ajouter une dimension dynamique essentielle grâce à l’attention constamment portée à la syntaxe interactantielle qui se cache « sous les mots » et fait de chacun d’eux, comme disait Greimas, le support d’un « petit spectacle ».
Eric Landowski


Denfert-Rochereau ou Raspail


